Presse
Alain Paire (écrivain et galeriste)
Myriam Paoli a choisi voilà déjà longtemps, en 1995, d’imaginer, de dessiner et de construire ses sculptures avec des fils de fers entrelacés. Des animaux, des personnages, clownesques, des miroirs, des objets familiers, des jouets d'autrefois ou bien des bouquets de fleurs sont les sujets majeurs de ses travaux. Du 20 mars au 10 mai, son exposition réunit des natures mortes, des graphismes de chaussures ainsi que des instruments de musique. Rue du Puits Neuf, on adossera sur un mur de cimaise les très fines suspensions d'un tuba, des clarinettes, des guitares et des violons. Dans l'histoire de l'art, les vertus du Parti pris des choses et des Vanités ne sont plus à démontrer. Christian Boltanski faisait remarquer qu'un grand musée renferme simultanément des toiles splendides et de minuscules bouteilles d'huile gallo-romaines. Des chaussures peuvent devenir des supports indispensables pour certaines formes de fascination, pour la réflexion et la contemplation. Vincent Van Gogh les avaient élues pour l'une de ses toiles, Charlie Chaplin s'en était soucié pendant La ruée vers l'or lorsque son personnage tentait d'escamoter sa misère et d'assouvir sa faim grâce à la cuisson méthodique d'une paire de godasses. Les inflexions des fils de fer de Myriam Paoli multiplient et puis simultanément resserrent les échafaudages, les fantômes, les intrigues, les volutes et les nœuds qui permettent de les aborder. L’intérieur et l’extérieur de leurs creusets sont immédiatement lisibles. L’âme vibrante d’un violon coïncide avec les trames de ses cordes et de son archet, la morphologie d’un sac de jeune femme laisse apercevoir des choses familières, un carnet de rendez-vous ou bien un téléphone portable . Quelque chose d’irréductible, une identification immédiate se concentre dans ces formes. A la place des nuances et des variations qui transforment indéfiniment les apparences d’un objet, voici son entité la plus élémentaire, son pouvoir de nomination, sa découpe et ses projections dans le champ de nos vies, le mince faisceau de signes qui chiffre immédiatement sa présence. Tout en revendiquant leur fragilités, ses objets merveilleusement insolites font preuve d’une étrange rigueur. Le graphisme tenace de leurs treillis affirme des linéaments et des structures qui ne sont pas tout à fait ombres ni même des souvenirs. Habités par un profond respect des formes antérieures dont ils retracent le spectre infiniment reconnaissable, leurs mystères ne sont pas effrayants. Leur acuité, leur obstination, leur capacité de résistance et leur familiarité sont évidentes. On peut certaines fois pressentir qu’ils esquissent en face de nos interrogations un inextinguible besoin de survie, une soudaine complicité, une manière de sourire, l’énigme d’une ritournelle qui traverse nos mémoires. Rien n’est dérisoire ni tout à fait muet, rien n’est immobile, accidentel ou bien désordonné dans cette exploration. Myriam Paoli définit ses sculptures comme « des objets de méditations » qui lui permettent de déplacer et de traduire autrement « ses attendrissements, ses inquiétudes, ses brisures et ses désirs ». Le métier qu’elle exerçait impliquait qu’elle accompagne des personnes qui vivent leur handicap mental. On s’approche lentement et progressivement des tensions, des reprises, des amenuisements, des ombres et des emmêlements de son parcours. On appréhende ses sculptures comme s’il s’agissait d’une délicate conjugaison de surprise et d’affection, d’humeur et d’étonnement. Alain Paire, écrivain et galeriste, auteur notamment dans «Pablo Picasso à Vauvenargues/Le grand atelier de la Sainte Victoire » Aix en Provence, 2008